De la demande frénétique des marchés à la crise sanitaire, quel impact sur la supply chain ?

La supply chain, ou chaine logistique et d’approvisionnement, est devenue centrale dans la stratégie de marque.

Comme le soulignait Flavio Sciuccati, Senior partner de l’institut de recherche The European House-Ambrosetti en octobre 2019, « on ne peut plus réduire la supply chain au seul processus de production, elle doit désormais être considérée comme un véritable chef d’orchestre. Obligée de s’adapter en permanence à la demande frénétique du marché dans un contexte de plus en plus complexe, la chaîne logistique dans le secteur du luxe et de la mode, joue désormais un rôle central. » ( Source : Fashion Network : le luxe contraint de réorganiser en profondeur sa supply chain- Oct2019 ) 

La crise liée au Covid19 a une nouvelle fois mis à l’épreuve cette forte capacité d’adaption, essentielle dans un environnement mouvant, mais peut-on néanmoins imaginer qu’une supply chain plus responsable et plus durable devienne également un critère d’efficacité incontournable pour l’industrie de la mode et du luxe ?

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Photo @pixabay.com

Un cycle de mode toujours plus court associé à une demande de plus en plus volatile et influencée par les réseaux sociaux, a nécessité depuis plusieurs années une réorganisation profonde des chaines de production et d’approvisionnement dans le secteur de la Mode et du Luxe.

Optimisation des coûts, des délais, flexibilité de l’approvisionnement et visibilité des stocks ont été les fondements de la stratégie logistique pour l’ensemble des maisons de mode. Un seul objectif : optimiser et garantir la disponibilité des collections dans les réseaux de boutiques off-line et on-line.

  • Pour y répondre, l’innovation a été accélérée dans ce domaine notamment grâce à l’intelligence artificielle, une meilleure intégration avec les fournisseurs a été favorisée et des chaînes logistiques de plus grande proximité ont commencé à se développer.
  • Mais cette optimisation a aussi favorisé des comportements de sur-consommation et a conduit à une pression de plus en plus forte, sur les marques de mode concernant, par exemple, l’imprévisibilité des volumes pour les nouveaux produits, dont le succès était difficile à estimer en amont et très en détail (selon la catégorie de produit, la couleur, la matière, la taille, le lieu de vente, etc…).

Avec la crise du Covid19, l’adaptation des supply chains a été mise à rude épreuve !

On distinguera :

  • Les produits dits indispensables, c’est-à-dire ceux liés au bien-être, à la santé et à l’alimentation ont nécessité une adaptation très forte et très rapide mais aussi, une grande vigilance à la protection des salariés tout au long de la chaine logistique.

Au niveau de la planification, il a fallu rationaliser au maximum, en privilégiant la capacité d’expédition plutôt que la variété des produits, en synchronisant au mieux les commandes.

  • Les produits dits non-indispensables, dont font partie les vêtements et les accessoires, ont nécessité le redéploiement des ressources humaines et financières vers le digital et les commandes en ligne.

Dans les deux cas, le recalibrage des commandes de produits en fonction de la demande des consommateurs a eu un impact sur les achats, le lien avec les fournisseurs, la planification des ressources et la gestion des stocks. Les fonds initialement prévus au marketing ont généralement été redéployés vers l’organisationnel pour plus de flexibilité, et pour une meilleure protection des salariés et des clients.

La manière dont les ateliers de l’industrie textile et du secteur de la parfumerie ont été réorganisés en un temps record, pour fabriquer des masques, des surblouses ou du gel hydro-alcoolique est particulièrement notable.

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Fabrication de surblouses dans l’atelier de prêt-à-porter Louis Vuitton, à Paris- Source @Express Styles

La santé et la sécurité des salariés étant devenue une priorité absolue :

  • des cloisons ont dû être installées pour séparer les salariés ou modifier l’organisation des plans de travail pour permettre la distanciation sociale.
  • les horaires ont dû être adaptés pour éviter que trop de personnes soient en même temps au même endroit.
  • des temps supplémentaires mis en place pour permettre la désinfection des matériels et des machines ont été intégrés,
  • des formations spécifiques aux gestes barrières ont été mises en place et,
  • dans le cas où des salariés étaient malades, l’appel à des travailleurs temporaires ou intérimaires s’est développé.

Concernant les marques de mode et d’habillement, la réorganisation s’est aussi traduite au niveau des stocks de produits, des relations fournisseurs, des relations clients et sur le développement du digital.

Les sources d’approvisionnement se sont modifiées.

Selon les chiffres de Mc Kinsey, – 1,5 milliards de dollars de commandes en provenance du Bangladesh ont déjà été annulées par l’Europe et l’Amérique du Nord (Source : McKinsey & Cie : Perspectives for north americas fashion industry in a time of crisis- Mars2020.

Les inventaires sont revus

La vente de certains produits est décalée à l’automne ou en 2021, les commandes et les stocks Printemps-Eté 2020 sont réduits. Ces arbitrages nécessitent des relations transparentes avec les fournisseurs, notamment sur les conditions de paiement et, avec les clients sur les conditions de livraison.

On peut également constater que, depuis le confinement, les points de vente étant fermés :

  • les promotions en ligne se sont multipliées – ce qui peut d’ailleurs avoir des conséquences en termes d’image de marque ou de difficulté de différentiation par rapport aux marques concurrentes.
  • les processus de livraison ont dû être revus soit, en décalant les livraisons après le confinement, soit en rallongeant les délais de livraison, pour optimiser les commandes et assurer la protection des salariés et des clients.
  • le renforcement du digital a permis de maintenir et de développer le contact avec ses clients, de faire passer les messages de la marque pendant cette période, mais aussi de préparer la sortie du confinement pour favoriser une relance de la consommation dès que possible.
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Soldes et promotions – Source @pixabay.com

Pour la sortie de crise, plusieurs éléments de stratégie peuvent d’ores et déjà être réfléchis et anticipés. Une occasion d’y intégrer des objectifs de responsabilité sociale et sociétale :

  • Quels sont les partenariats à poursuivre, à ne pas poursuivre ou à développer ? Faut-il des sources d’approvisionnement multiples, plus proches, pour limiter les transports mais aussi les risques de rupture de stock ?
  • Comment mieux connaître ses clients, leurs attentes, comment en attirer de nouveaux vers le commerce digital ? Comment mieux prendre en compte la diversité des clients (en termes de générations, de morphologie, de modes de vie,…) avec des messages ou des parcours-clients plus personnalisés ?
  • Comment réorganiser les boutiques et les mettre en cohérence et en complémentarité plus forte avec le commerce digital ?
  • Comment repenser sa supply chain avec plus de proximité et d’éco-responsabilité, en minimisant les stocks, en favorisant la qualité des produits, en s’appuyant davantage sur l’innovation, en analysant finement les attentes des clients, en renforçant la vigilance sur l’origine des produits et des matières, la sécurité des salariés et des clients sur l’ensemble de la chaîne ?

Toutes ces questions peuvent être posées dans le cadre d’une stratégie de réorganisation de la supply chain des marques de mode, pour anticiper et mieux préparer l’avenir. Souhaitons que les réponses apportées la rende plus responsable, plus durable, plus innovante et plus résistante aux crises qui pourraient encore survenir.

Sources d’informations :

Autre article déjà publié par En Mode Création(s) sur la thématique RSE :

Mode et coronavirus : une opportunité pour la filière de développer son impact social

 

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